Le 30 mars 2017, le terrain correspondant au 12375, rue du Fort Lorette a été vendu à un promoteur immobilier. Voisin de l’église de la Visitation et situé en bordure de la rivière des Prairies, on trouve sur ce terrain un bâtiment de deux étages construit par les Sœurs de Miséricorde. Abritant autrefois la buanderie de la crèche Saint-Paul, l’immeuble a aussi servi de résidence pour quelques religieuses avant que celles-ci soient rapatriées à la maison-mère il y a quelques années. Depuis, il est resté vacant. Le reste de la propriété, largement accessible via la rue des Jésuites, est composé d’un vaste espace gazonné comptant de nombreux arbres matures et offrant des vues sur la rivière. Divers aménagements paysagers faits de talus et de constructions en pierre complètent l’ensemble.

Bref rappel historique
Au-delà de la composante bâtie du terrain en question, c’est la riche histoire du site qui attire notre attention. Selon toute vraisemblance, l’endroit a été fréquenté par les Amérindiens comme en témoigne la découverte d’une pointe de projectile ayant entre 3000 et 4500 ans lors de fouilles archéologiques effectuées sur le terrain de l’église. La fréquentation de ce lieu de portage et de pêche se maintient à travers le temps car au début du XVIIe siècle, les missionnaires français empruntent cette route pour se rendre en Outaouais. D’ailleurs, c’est suite à la noyade du père récollet Nicolas Viel et son compagnon français surnommé «Ahuntsic», en 1625, avant même la fondation de Ville-Marie, que le secteur prend le nom de Sault-au-Récollet. En 1696, les Sulpiciens vont choisir cet endroit même pour y déménager leur mission d’évangélisation du fort de la Montagne. Ils érigent le fort Lorette. Une chapelle est ajoutée à l’enceinte fortifiée en 1700. Les recherches historiques indiquent que le fort se trouvait en partie où l’on retrouve le terrain du 12235, rue du Fort Lorette, ou du moins à proximité.

À partir du milieu du XIXe siècle, le terrain du 12235, rue du Fort Lorette accueille aussi un pan de l’histoire religieuse de Montréal. Le curé de la paroisse de la Visitation, Jacques-Janvier Vinet fait construire en 1853, une vaste résidence, nommée maison Saint-Janvier, au bout de l’actuelle rue des Jésuites. C’est dans cette maison que Mgr Ignace Bourget, évêque de Montréal, décède en 1885, la résidence servant alors à accueillir les religieux retraités. À partir de 1903, on offre la maison aux Sœurs de Miséricorde pour qu’elle serve d’annexe à leur crèche du centre-ville dont la population déborde. L’œuvre des religieuses est rapidement surpeuplée. Elles font donc ériger la crèche Saint-Paul, attenante à la maison Saint-Janvier, en 1912. Les deux bâtiments sont démolis respectivement en 1955 et en 1970. La seule composante restante du complexe de la crèche Saint-Paul est l’ancienne chaufferie.

Position DE LA shac
En cette année de célébration du 375e anniversaire de fondation de Montréal et du 150e anniversaire de la confédération canadienne, il nous apparaît primordial que ce terrain devienne un lieu public. Son passé étant lié autant aux Amérindiens, à la Nouvelle-France, aux communautés religieuses, pour ne nommer que ceux-ci, son importance dépasse amplement le cadre de l’histoire locale du Sault-au-Récollet. La propriété du 12235, rue du Fort Lorette s’inscrit parmi les lieux qui ont une importance nationale. La préservation et la mise en valeur de ce lieu constituerait un legs hautement significatif permettant son plein rayonnement.

Ainsi, nous interpellons les élus locaux, mais aussi provinciaux et fédéraux, à agir immédiatement pour préserver ce site et l’offrir à la population.

- Nous nous attendons à ce que Mme Lorraine Pagé, conseillère de Ville pour le district du Sault-au-Récollet, M. Pierre Gagnier, maire de l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville, ainsi que tous les autres conseillers de Ville, saisissent cette opportunité pour protéger la valeur patrimoniale de ce lieu tout en offrant à leurs citoyens un accès aux berges accru, tel qu’énoncé dans le Plan de l’eau : Montréal au fil de l’eau et en assurant la pérennité d’une ressource verte, une des quatre priorités du plan Montréal durable 2016-2020. La réutilisation du bâtiment de l’ancienne chaufferie pour accueillir des organismes communautaires répondrait non seulement aux besoins de la population locale, mais serait aussi une autre action contribuant au développement durable.
- Nous nous attendons à ce que M. Luc Fortin, ministre de la Culture, utilise les pouvoirs qu’il possède pour empêcher la transformation du lieu, considérant que ce terrain est compris dans l'aire de protection provinciale de l'église de la Visitation et que toute modification sur celui-ci doit recevoir son aval.
- Nous nous attendons à ce que Mme Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien et députée de la circonscription d’Ahuntsic-Cartierville, intervienne dans ce dossier alors que des démarches pour désigner le Sault-au-Récollet comme lieu historique national du Canada sont en cours.

La SOciété d'histoire d'Ahuntsic-CArtierville